Placebo, Muse et Radiohead, ou pourquoi le rock britannique larmoie

Publié le par Lou


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PLACEBO












Brian Molko (chanteur)



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MUSE






Matthew Bellamy (chanteur)






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RADIOHEAD

Thom Yorke (chanteur)
 


Ils se ressemblent tous, ont entre 29 et 40 ans et forment des groupes de rock. A les voir, ils sont un peu problématiques avec leurs petits costumes d'étudiants et leur face dépressive, voire de chien battu. Dès le premier coup d'oeil, on sent (et il faut le dire) que ça ne respire pas la joie de vivre...
Muse et Placebo naissent en Angleterre la même année, en 1994. Radiohead fait ses débuts vers 1989 en Angleterre toujours. Tous sont anglais excepté les membres de Placebo qui est fait d'éléments cosmopolites puisque son bassiste est suédois, son batteur est né en Confédération helvétique et son chanteur Molko, tenez-vous bien, né en Belgique d'une mère écossaise et d'un père d'origine franco-italienne, a la double nationalité britannique et américaine, passe son enfance entre le Liban, le Libéria et le Luxembourg et est parfaitement francophone !
A l'heure actuelle, on compte cinq albums pour Placebo (premier en 1996), quatre pour Muse (premier en 1999) et sept pour Radiohead (premier en 1993).

Difficilement classable, puisqu'influencé à la fois par Nirvana et Radiohead, Muse n'est répertorié dans aucune catégorie précise. Et pour cause, ils font de tout, du rock, du hard rock, du metal, de la pop, du classique. J'interroge plusieurs sites, les réponses sont hétéroclites : je trouve "pop-rock", "rock fantastique", "rock progressif symphonique", "mix de Placebo et de Radiohead" (tiens tiens...), tout y passe ! A noter que certains fans apprécient particulièrement lorsque "Matthew Bellamy sort sa voix à la Thomas Yorke" ! Il existe donc bien quelque chose de commun à ces trois groupes...

Muse est un groupe de rock qui aime beaucoup la musique classique. Son chanteur, claviériste et guitariste, Matthew Bellamy, joue du piano dès l'enfance. Sa voix poussive, parfois criarde, est d'un lyrisme à couper le souffle ("Falling Down"). Dans une autre vie, Matthew Bellamy aurait sans doute été un chanteur à la tessiture très ample et au vibrato très maîtrisé. Ténor lyrique ou haute-contre baroque, il aurait pu interpréter toutes les cantates de Jean-Sébastien Bach en mode mineur et, à ses heures perdues, il aurait joué préludes de Rachmaninov et concerto de Tchaïkovski avec passion et virtuosité.

Le chant de Matthew Bellamy est tellement lié, exactement comme à l'opéra, qu'on peut difficilement le qualifier autrement que de lyrique. Voyez surtout "Micro Cuts". C'est un fait, le chant de Matthew Bellamy tient beaucoup plus de celui des chanteurs d'opéra que de rock. A la rigueur, on pourrait lui trouver une certaine affinité avec les hurleurs hard rock, type Deep Purple.

Dans de très nombreuses chansons de Muse, il existe une base classique plus ou moins audible. Cette base classique est souvent masquée par une basse et une guitare très lourdes qui rappellent bien Rage Against The Machine ("Dead Star"). Mais lorsque la voix s'élève, c'est une miraculeuse mélodie qui surgit de nulle part ("Citizen Erased"). Avec certains titres comme "Fillip" ou "Unintented", on n'est pas loin des envolées pianistiques à la Aladdin Sane (Bowie) ou à la... Jean-Sébastien Bach ! En effet, certains titres comme "Microcuts", "The Gallery" ou encore "Sunburn" ne font vraiment pas mauvaise figure devant le Clavecin Bien Tempéré. Muse, malgré quelques criardises et une certaine "sauvagerie romantique" (je cite les fans), fait l'effet d'un groupe qui a bien assimilé ses leçons musicales de jeunesse et qui les récite encore à la perfection, tout en les réutilisant dans un style qui lui est propre.
Insérer de la musique classique dans le rock n'est pas une affaire simple vu sa complexité et sa richesse. En plus, il est commun d'opposer les deux genres (quoique le classique attirant le jazz, le jazz attirant le blues et le blues attirant le rock, il est possible de leur trouver une filiation alambiquée), alors que le classique et le rock ont cela de commun qu'ils ont chacun une grande puissance évocatrice, qui n'est pas incompatible. Muse a utilisé cette parenté formidable pour réaliser une sorte de fusion qui caractérise le côté "fantastique" de son rock. Le choix des influences directes à Bach, Rachmaninov et Tchaïkovski montre une volonté de maîtrise de l'exécution (la technique chez Bach), de puissance dramatique (Rachmaninov) et d'intensité (concerto pour piano de Tchaïkovski). Avait-on déjà entendu quelque chose d'aussi déchirant et d'aussi fort dramatiquement que "Showbiz" ?... Muse utilise bel et bien la musique classique pour gagner en force dramatique. Coeurs larmoyants : s'abstenir !
Muse est très bruyant. La conjugaison de mélodies très évocatrices, d'un rock très puissant et d'un chant poussif donne un cocktail assez lourd... Et Muse en devient difficilement classable. Aucun de ses titres phares ne sont ni purement rock, ni purement pop, ni purement hard rock, ni purement progressifs.
Placebo, dans un certain sens, fait aussi beaucoup de bruit. Rien à voir, il ne s'agit plus de musique classique, mais d'une sorte d'électrisation. En effet, un concert de Placebo n'est pas indigeste mais a quelque chose d'électrisant et d'atomisant (Paris 2003, Soulmates never die). Du brut, du primitif, soutenu par une voix un peu écrasée par la masse de sons. Cette sorte de bruit rock, tout droit sorti d'une machine qui tourne à plein régime, semble à chaque fois être activé par la même sonde. Il faut attendre à l'extrême fin l'apparition d'un Franck Black sur scène avec un titre phare, "Where is my mind?" (Pixies), pour changer enfin de registre. Le contraste est frappant : "Where is my mind?" apporte une fraîcheur à la rangaine sombre de Placebo qui, musicalement, répète souvent la même chose.
undefinedBrian Molko, toujours maquillé, joue de sa féminité à la manière de Bowie, envoyant de très loin et sans costume un clin d'oeil tardif au glam. A la manière de Bowie parce qu'il n'est pas rare de les voir ensemble et parce que leurs deux voix se ressemblent. Oui, il y a une certaine parenté entre Bowie et Placebo. "Without you I'm nothing" (Placebo) fait l'objet d'un duo où la voix du jeune Molko est soutenue par celle, belle et mûre, du maître Bowie. On les entend aussi ensemble dans une reprise de "20th century boy" (Marc Bolan). De plus, Brian Molko ne nous livre-t-il pas une très belle version de "Five years" (Bowie)? A voir et à écouter à la page suivante : 




David Bowie et Brian Molko


http://zik4absolution.blogspot.com/2007/11/placebo-live-traffic-music-france-2.html

Extraite du contexte des guitares habituelles, cette voix rend hommage aux accents folk de Dylan et aux cordes chevrotantes de Bowie.
Placebo évolue dans un rock à la fois brut et passionnel qui parvient à toucher cette part de nous-même sensible aux petites et grandes douleurs révoltantes ou passionnées, celles qui provoquent chez nous le besoin de nous unir.
Tandis que Placebo nous donne envie d'extérioriser, Radiohead nous ferait plutôt intérioriser... La grande caractéristique de Radiohead après OK Computer, c'est son rock déprimé. La musique devient une sorte de mélodie minimaliste dépouillée de ses instruments rock ("Everything in its right place") et nous transporte dans un univers poétique invitant à une introspection douloureuse. Les chansons sont belles et subtiles, les mélodies et l'accompagnement sont d'une originalité sans égale parmi les contemporains du rock, mais l'ensemble est d'une tristesse à se pendre. Et on a vite l'impression de déambuler dans les méandres d'une conscience névrosée, qui s'exprime à travers la voix plaintive de Thom Yorke. Cependant, le groupe, depuis le tube très teenager qu'a été "Creep" en 1993, ne fait que progresser en qualité, utilisant tous les genres pour réaliser un art riche en diversité.

Radiohead sera toujours déprimé et c'est pour cela qu'il plaît. Mais on a vu qu'il n'était pas le seul à être empoisonné par la mélancolie. Merci qui ? Sans doute quelque héros suicidé de Joy Division ou de Nirvana...

Publié dans Musique

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F
Il faudrait quelques liens sur Youtube pour découvrir ces rockers britanniques. Est-ce possible ?
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